L’objectif de ce livre est, dans un premier temps, de contester l’idée selon laquelle les religions auraient été à l’époque moderne figées, ne pouvant que secréter des conflits récurrents et des pulsions répressives ; il est aussi de remettre en cause le postulat d’une soumission del’individu aux exigences de foi imposées collectivement. Il s’inscrit dans les perspectives d’une recherche historique récente qui a en effet mis en valeur l’importance de la quête ou de l’errance religieuse au niveau de l’expérience autant individuelle que collective, ainsi que les multiples cas de transferts prescrits ou recherchés, et emmenant d’une religion ou d’une confession à l’autre. La topique de frontières de croyance bien définies est aujourd’hui, pour les historiens, une conception du passé.
Mais il faut aller plus loin. En changeant d’échelle, les auteurs de cet ouvrage analysent de manière comparée des cas de dissimulation religieuse et de contrebande spirituelle ayant eu pour cadre différents continents. Le propos est de resituer ces phénomènes dans la connexion ou le croisement de l’expérience individuelle et collective, et donc dans des ordres politiques et des cadres civilisationnels différents, du Japon et de la Chine à l’Empire ottoman, de l’Éthiopie au Nouveau Monde, de l’Inde à l’Europe. Cette histoire parallèle des échanges et des refus, des feintes et des passages porte donc sur les rapports entre bouddhisme, christianisme, hindouisme, islam, judaïsme et croyances amérindiennes, approchés surtout sous l’angle de l’expérience et de la créativité individuelles, ainsi que de l’intériorisation de la foi.